Cet illustre dogme chrétien selon lequel la souffrance est une preuve de notre soumission au Dieu créateur a persisté dans le symbole même de la religion chrétienne : un Christ crucifié, le corps martyrisé exhibé et adulé, témoignant de la fusion entre corps et croix, le tout rehaussé d’une couronne d’épines n’atténuant en rien ce symbole incarné de la douleur comme valeur. Mais la souffrance peut-elle réellement constituer une valeur ? Oui, dans certains cas plutôt rares. Tout d’abord, une valeur se définit comme l’idée guidant le jugement moral des individus et des sociétés 1. De plus, la valeur est un aboutissement en soi, au même titre que l’Art, selon l’acception de Benjamin Constant ou encore de Théophile Gauthier. Ainsi, l’accouchement, cette étape difficile à surmonter puisqu’ affligeante physiquement, ne constituerait aucunement une valeur ; du moins, la souffrance qui en résulte ne la constitue pas. L’accouchement peut mettre en exergue la volonté de fonder une famille, de donner vie ou encore de se conformer à d’autres, que sais-je. Elle est généralement bien vécue par les mères, mais justement parce que la valeur qui en ressort est belle et bien autre que celle de la souffrance. Demandons-nous dès lors si les mères considèrent la souffrance comme ritualisant l’accouchement et donc l’enrichissant. | Faut-il, pour toutes ces mères, qu’elles souffrent pour donner vie, afin de mieux vivre l’accouchement ? C’est une autre problématique à laquelle l’on a affaire. J’évoque l’accouchement, mais il en va de même pour toutes ces actions reprises en cette expression notoire : « il faut souffrir pour être beau ». Ici, la valeur préconisée est la beauté, non la souffrance qui n’est qu’un moyen, un passage forcé en vue d’atteindre une finalité. Hormis ces multiples exemples, notons que la souffrance pour la souffrance existerait bel et bien dans plusieurs pratiques humaines – parfois déshumanisantes - et insolites. Les jeux sexuels, fondés sur la souffrance volontaire, visent une souffrance de soi ou de l’autre, voire des deux, ce qui produit plaisir et jouissance. Les actes sexuels qualifiés dès lors de « sadomasochistes » placent en leur sein la valeur de la souffrance comme finalité ultime. Ces pratiques sont donc considérées comme étant des valeurs, à l’instar de ce dévot, membre de L’opus Dei, qui chaque soir s’autoflagelle et s’automortifie afin de se sentir plus proche de Dieu. |
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