Au dehors, les feuilles bruissent au vent, Le soleil, au gré des nuages, Rend le vil œil doux et cuisant, Enjolivant ce remuage. Ô toi, fille plaisante et folâtre, Tu compares mon cœur à l’été, Enflammé, de chaux et de plâtre, Qui s’enivre de ta beauté. La nature partout se repose ; Toi, princesse d’une beauté amère, Tu lasses les boutons de rose, Le regard hagard mais si clair. Créature blonde comme les blés, Nourricière des hommes oubliés : Je rime seul ici-bas, invisible, déformé, Mon cœur à ta rose est pareil, Il fleurit lorsque les demains L’éblouissent de rayons vermeils ; Fragile, il est façonné de tes mains. C. Lallemang, Mai 2013. |
La plèbe ingrate assaille l'espace Jusque les flancs, compacte masse, Massif massacre que l'emboîtement, Suées de pierre, couleur de sang, Venue de loin, en lieu commun, La plèbe ingrate ne verra fin, Ô barres de la fraternité, Mais que nombre d'éparses mains As-tu à ce jour supportées ? Janvier 2013 |
Contractés entre les murs sombres, Agressés par les logorrées, La somnolence nous faisant ombre Nous tous quittons ce commun monde Un chaos domine en ces lieux De murmures inintelligibles, Et la forte lumière crible Mes alanguies paupières au mieux Réanimés par une force Qui déroge à la longue attente, Nous regagnons la vie véloce. Mars 2013 |
Paris, février 2014
"Je me suis en effet placé au beau milieu d’une place parisienne fort fréquentée, au beau milieu d’une semaine, au beau milieu de la journée – lorsque le soleil alors clément disperse ses rayons ardents sur une foule indifférente – , au beau milieu du cortège assourdissant et irritant des conducteurs accablés par le temps qui file à grands pas, à quelques pas d’une ligne de métro et de quelques rues fortement peuplées, au beau milieu de passants marchant, courant, filant à grands pas, mais en rien contemplatifs de leur patrimoine envoûtant, de ces décors vénérables qui en moi éveillent à petits pas le respect. Moi, assis à même le sol, provocant la stupeur de mes assaillants, je prends le contre-pied. Immobile, évasif et pourtant bien là. Je scrute passant par passant, à la recherche d’une immobilité. J’aperçois leurs jambes agiles et nobles, leurs bras asservis ou de paperasse ou de valises, ou simplement d’une étonnante rigidité, tandis que leur pensée demeure fixée sur l’ailleurs, l’ultérieur. De ces fantômes humains toutefois se distingue une femme inconnue, figée et fugitive, d’ici et d’ailleurs, qui contrairement à d’autres ne me toise pas du regard mais, de la manière la plus étrange qui soit, dépose sur les épaules de mon esprit un éclat d’une souplesse innommable, presque reconnaissant de ma pacifique mais ostensible sédition à la propension générale et presque normale de l’empressement. Je gis, errant dans le tumulte régulier. Je me lève et les imite alors. Je sais maintenant à quoi nous ressemblons.
Je m’engouffre alors dans les couloirs du Louvre. Les œuvres d’art éveillent en moi tant d’étonnement. La perception que j’ai de la taille, de la forme et des frontières de mon corps se transforme au cours de la visite. En fonction de l’œuvre, je peux me sentir plus grand ou plus petit, plus dense ou plus étroit. Ainsi, j’ai commencé par visiter les antiquités égyptiennes. Je me sens emporté dans une culture ancienne et bien autre que la mienne. Je me sens petit dans cette ambiance pesante et ancestrale. Lorsque, par contre, je contemple des portraits, c’est une tout autre sensation qui m’habite alors. J’ai la vague impression, selon les portraits et les conditions qui s’offrent à ma rencontre avec eux, de faire face à un espace plus exigu qu’il ne l’est réellement, de me confronter à une œuvre qui se sépare nettement de l’espace dans lequel elle se trouve. Je rentre alors dans la toile, je la vis. Une sensation d’être traversé, pénétré par l’œuvre m’extasie à tel point que j’en oublie que je suis, que je vis, qui je suis. Il arrive un moment où mon corps et l’objet ne font plus qu’un, deviennent une seule et même chose."
"Je me suis en effet placé au beau milieu d’une place parisienne fort fréquentée, au beau milieu d’une semaine, au beau milieu de la journée – lorsque le soleil alors clément disperse ses rayons ardents sur une foule indifférente – , au beau milieu du cortège assourdissant et irritant des conducteurs accablés par le temps qui file à grands pas, à quelques pas d’une ligne de métro et de quelques rues fortement peuplées, au beau milieu de passants marchant, courant, filant à grands pas, mais en rien contemplatifs de leur patrimoine envoûtant, de ces décors vénérables qui en moi éveillent à petits pas le respect. Moi, assis à même le sol, provocant la stupeur de mes assaillants, je prends le contre-pied. Immobile, évasif et pourtant bien là. Je scrute passant par passant, à la recherche d’une immobilité. J’aperçois leurs jambes agiles et nobles, leurs bras asservis ou de paperasse ou de valises, ou simplement d’une étonnante rigidité, tandis que leur pensée demeure fixée sur l’ailleurs, l’ultérieur. De ces fantômes humains toutefois se distingue une femme inconnue, figée et fugitive, d’ici et d’ailleurs, qui contrairement à d’autres ne me toise pas du regard mais, de la manière la plus étrange qui soit, dépose sur les épaules de mon esprit un éclat d’une souplesse innommable, presque reconnaissant de ma pacifique mais ostensible sédition à la propension générale et presque normale de l’empressement. Je gis, errant dans le tumulte régulier. Je me lève et les imite alors. Je sais maintenant à quoi nous ressemblons.
Je m’engouffre alors dans les couloirs du Louvre. Les œuvres d’art éveillent en moi tant d’étonnement. La perception que j’ai de la taille, de la forme et des frontières de mon corps se transforme au cours de la visite. En fonction de l’œuvre, je peux me sentir plus grand ou plus petit, plus dense ou plus étroit. Ainsi, j’ai commencé par visiter les antiquités égyptiennes. Je me sens emporté dans une culture ancienne et bien autre que la mienne. Je me sens petit dans cette ambiance pesante et ancestrale. Lorsque, par contre, je contemple des portraits, c’est une tout autre sensation qui m’habite alors. J’ai la vague impression, selon les portraits et les conditions qui s’offrent à ma rencontre avec eux, de faire face à un espace plus exigu qu’il ne l’est réellement, de me confronter à une œuvre qui se sépare nettement de l’espace dans lequel elle se trouve. Je rentre alors dans la toile, je la vis. Une sensation d’être traversé, pénétré par l’œuvre m’extasie à tel point que j’en oublie que je suis, que je vis, qui je suis. Il arrive un moment où mon corps et l’objet ne font plus qu’un, deviennent une seule et même chose."
Fraipont, mars 2014
"Perplexe. Telle fut mon état d’esprit avant même d’entrer sur les lieux du centre ouvert de Fraipont. La télévision, les journaux, les médias en général, font état des conditions infâmes et de l’inhumanité présentes dans ces centres. Je ne connaissais pas le mode de fonctionnement des centres d’accueil. Mais l’image que je m’en fis alors touchait davantage à des images d’étrangers en souffrance plutôt que d’humains heureux.
Quelle duperie. Quelle méconnaissance. Je passe tous les jours devant le centre ouvert de Bierset sans même savoir ce dont il s’agit. J’entends urbi et orbi les gens en parler mais je n’ai jamais eu la curiosité de forger ma propre appréciation à leur égard.
Le matin même de la visite, j’étais donc perplexe. Ces hommes accepteraient-ils de se faire observer, au même titre que des animaux dans leur cage qui n’ont d’autre choix que de paraître sous leur meilleur jour ? Cette peur de leur infliger le paroxysme d’une humiliation non souhaitée me rongea.
Une fois sur place, quelle ne fut pas ma surprise d’apercevoir un dispositif aussi impressionnant, au milieu d’un paysage de verdures et de calme, sous un soleil généreux des fins hivernales, en compagnie de camarades de classe plus soulagés les uns que les autres de ne pas avoir affaire à une façade et un décor rappelant tristement les prisons. À l’intérieur, une odeur de peinture, ou de produit d’entretien. Les dédales de couloirs à la fois sombres, car peu éclairés, et clairs, car peints de blanc, ne nous offrirent pas encore la présence d’un demandeur d’asile. Étrangement, je redoutais le premier croisement de regard. Nous empruntâmes plusieurs allées et débouchâmes sur l’accueil du site. Là, se tenaient des personnes étrangères dont le teint de peau foncé, la pilosité, la tenue et la langue les trahissaient particulièrement. Des regards échangés en guise de salutations, furtifs et embarrassés, fusèrent de toutes parts. Certains jouaient au Kicker, d’autres papotaient tranquillement, des femmes bavardèrent tout en surveillant leurs enfants qui s’amusaient avec les plus grands. Une ambiance chaleureuse s’ensuivit. Presque honteux, nous devions constater que les personnes dont on redoutait tant la rencontre quelques minutes plus tôt brillaient de l’enthousiasme de nous rencontrer.
Nous accédâmes à une salle qu’ils appellent « le cinéma », bordée de pancartes que l’on croirait sorties d’écoles primaires mais qui sont nécessaires afin de leur enseigner au mieux la langue de leur pays d’accueil. Des employés, manifestement épanouis dans leur travail, certainement un des travails les plus sociaux qui soient, nous présentèrent le centre ouvert de Fraipont. Nous eûmes donc l’opportunité de pouvoir échanger quelques mots, par groupes, avec certains demandeurs d’asiles qui s’y portent volontaires.
Jacob, d’une trentaine d’année, a fui la Syrie suite aux conséquences du Printemps arabe, à savoir notamment la répression exercée par le régime de Bachar el-Assad. Il a gagné la Turquie, nagé jusque dans les eaux internationales après s’être fait duper par un passeur qu’il aura payé l’équivalent de 10.000 euros, rejoint les pays de l’Europe de l’est pour finalement arriver en Belgique où il demande alors le droit d’y rester, du moins le temps que son pays soit sûr. Son histoire nous a bouleversés, parce que des récits tels que ceux-ci, on ne les croise que dans les séries télévisées, à Hollywood, dans les livres ou encore aux informations télévisées … Avoir le témoignage vivant d’un homme qui a subi tant de basculements dans sa vie, ça vous prend aux tripes. À ce moment-là, vous vous jurez de ne plus les considérer comme vous le faisiez.
De découvertes en découvertes, nous prenions conscience de la joie de vivre de ces personnes qui ont parfois connu le pire. Comme par exemple cette petite fille arrachée à sa famille pour lui éviter de se faire mutiler les parties génitales. L’excision touche une franche considérable, presque intégrale, des femmes de son pays. La petite fille, arrivée en Belgique, fuit le massacre qui lui ouvrait grands les bras. Ou par exemple comme ce jeune homme qui fuit les harcèlements de la société et de l’état qui l’incarcéraient sous couvert d’un motif invraisemblable : la reproduction des portraits d’hommes politiques. La démocratie pose question dans certains pays, les droits de l’homme également.
On ne peut parler sans avoir vu. Les centres ouverts offrent à tous ceux qui le désirent une écoute, une confiance, une reconnaissance, une valorisation, l’espoir qu’un jour leur vie ne côtoiera plus la misère, la souffrance, l’étreinte d’une insécurité pesante."
"Perplexe. Telle fut mon état d’esprit avant même d’entrer sur les lieux du centre ouvert de Fraipont. La télévision, les journaux, les médias en général, font état des conditions infâmes et de l’inhumanité présentes dans ces centres. Je ne connaissais pas le mode de fonctionnement des centres d’accueil. Mais l’image que je m’en fis alors touchait davantage à des images d’étrangers en souffrance plutôt que d’humains heureux.
Quelle duperie. Quelle méconnaissance. Je passe tous les jours devant le centre ouvert de Bierset sans même savoir ce dont il s’agit. J’entends urbi et orbi les gens en parler mais je n’ai jamais eu la curiosité de forger ma propre appréciation à leur égard.
Le matin même de la visite, j’étais donc perplexe. Ces hommes accepteraient-ils de se faire observer, au même titre que des animaux dans leur cage qui n’ont d’autre choix que de paraître sous leur meilleur jour ? Cette peur de leur infliger le paroxysme d’une humiliation non souhaitée me rongea.
Une fois sur place, quelle ne fut pas ma surprise d’apercevoir un dispositif aussi impressionnant, au milieu d’un paysage de verdures et de calme, sous un soleil généreux des fins hivernales, en compagnie de camarades de classe plus soulagés les uns que les autres de ne pas avoir affaire à une façade et un décor rappelant tristement les prisons. À l’intérieur, une odeur de peinture, ou de produit d’entretien. Les dédales de couloirs à la fois sombres, car peu éclairés, et clairs, car peints de blanc, ne nous offrirent pas encore la présence d’un demandeur d’asile. Étrangement, je redoutais le premier croisement de regard. Nous empruntâmes plusieurs allées et débouchâmes sur l’accueil du site. Là, se tenaient des personnes étrangères dont le teint de peau foncé, la pilosité, la tenue et la langue les trahissaient particulièrement. Des regards échangés en guise de salutations, furtifs et embarrassés, fusèrent de toutes parts. Certains jouaient au Kicker, d’autres papotaient tranquillement, des femmes bavardèrent tout en surveillant leurs enfants qui s’amusaient avec les plus grands. Une ambiance chaleureuse s’ensuivit. Presque honteux, nous devions constater que les personnes dont on redoutait tant la rencontre quelques minutes plus tôt brillaient de l’enthousiasme de nous rencontrer.
Nous accédâmes à une salle qu’ils appellent « le cinéma », bordée de pancartes que l’on croirait sorties d’écoles primaires mais qui sont nécessaires afin de leur enseigner au mieux la langue de leur pays d’accueil. Des employés, manifestement épanouis dans leur travail, certainement un des travails les plus sociaux qui soient, nous présentèrent le centre ouvert de Fraipont. Nous eûmes donc l’opportunité de pouvoir échanger quelques mots, par groupes, avec certains demandeurs d’asiles qui s’y portent volontaires.
Jacob, d’une trentaine d’année, a fui la Syrie suite aux conséquences du Printemps arabe, à savoir notamment la répression exercée par le régime de Bachar el-Assad. Il a gagné la Turquie, nagé jusque dans les eaux internationales après s’être fait duper par un passeur qu’il aura payé l’équivalent de 10.000 euros, rejoint les pays de l’Europe de l’est pour finalement arriver en Belgique où il demande alors le droit d’y rester, du moins le temps que son pays soit sûr. Son histoire nous a bouleversés, parce que des récits tels que ceux-ci, on ne les croise que dans les séries télévisées, à Hollywood, dans les livres ou encore aux informations télévisées … Avoir le témoignage vivant d’un homme qui a subi tant de basculements dans sa vie, ça vous prend aux tripes. À ce moment-là, vous vous jurez de ne plus les considérer comme vous le faisiez.
De découvertes en découvertes, nous prenions conscience de la joie de vivre de ces personnes qui ont parfois connu le pire. Comme par exemple cette petite fille arrachée à sa famille pour lui éviter de se faire mutiler les parties génitales. L’excision touche une franche considérable, presque intégrale, des femmes de son pays. La petite fille, arrivée en Belgique, fuit le massacre qui lui ouvrait grands les bras. Ou par exemple comme ce jeune homme qui fuit les harcèlements de la société et de l’état qui l’incarcéraient sous couvert d’un motif invraisemblable : la reproduction des portraits d’hommes politiques. La démocratie pose question dans certains pays, les droits de l’homme également.
On ne peut parler sans avoir vu. Les centres ouverts offrent à tous ceux qui le désirent une écoute, une confiance, une reconnaissance, une valorisation, l’espoir qu’un jour leur vie ne côtoiera plus la misère, la souffrance, l’étreinte d’une insécurité pesante."
" Le créateur, c'est celui qui façonne et qui fascine, celui qui sonne et qui signe, celui qui enfante et qui hante, celui qui donne naissance aux mots et les confond avec toute-puissance dans une anarchique harmonie."