Résumé apéritif
Damien, privé de son père qui travaille à Paris et part régulièrement en voyage d’affaire, occupe la maison de campagne de sa belle-mère, aux côtés de Lorraine, la fille de Madame. Madame ne porte-t-elle pas de nom ? Certainement pas pour Damien. L’appeler par son prénom réduirait la distance affective entre Elle et lui, ce serait comme abattre la porte sécurisante de son grenier. Derrière la porte, il se sent seul, mais qu’est-ce qu’il se sent bien. En revanche, une fois la porte franchie, il est en territoire ennemi. Il la craint, non pas qu’il soit un enfant peureux de nature, mais il subit des punitions à répétition pour des actes qu’il ne commet pas. Elle le force à manger ce qu’il n’aime pas, à dormir dans un grenier glacial, et dans le pire des cas dans une cave sombre infestée de souris. Les autres personnes de la maison (Lorraine, la femme de ménage et la grand-mère folle) ne disent rien, de peur des représailles, ce que Damien comprend amplement. En même temps, entre Lorraine qui est chouchoutée, la femme de ménage qui s’accroche à son boulot et la grand-mère qui répète à longueur de journée, telle une plante « Si c’est toi Lili-Catherine, tu peux repartir tout de suite ! », on ne peut pas dire que Damien bénéficie de soutien ! Mais un beau jour, Damien découvre, derrière une planche en bois de son grenier, un cœur gravé dans le plâtre. Dans celui-ci est inscrit : Théo + Lili Catherine. Damien croit savoir que cette fameuse Lili-Catherine, dont le nom est prononcé tous les jours de la bouche de la grand-mère aliénée, est morte. Dans un élan de vengeance et de haine envers sa belle-mère, il tente d’invoquer son esprit, ce qu’il n’aurait probablement jamais dû faire …
Avis argumenté
Moka, écrivaine jeunesse hors pair selon moi, met en scène le quotidien incroyable de Damien, petit garçon subissant la cruauté de sa belle-mère. Derrière la porte, à l’instar de L’Enfant des ombres et de La Marque du diable (de la même auteure), relève à la fois de l’épouvante et du fantastique, et comporte nombre de qualités !
L’enfant qui se venge de sa belle-mère, combien de fois ce thème ne fut-il point abordé par la littérature ? L’originalité du sujet laisse à désirer, mais cela n’entraîne pas pour autant une chute du suspense, bien au contraire. En effet, une fois le cadre de vie de Damien planté, une première découverte (le cœur gravé dans le mur) permet d’amorcer les rouages d’une mécanique prenante et dont Damien se veut être le capitaine ! Du début à la fin, j’ai raffolé de ces imprévus omniprésents et de l’incroyable enquête que Damien se charge de mener. Des accidents dans la maison, des meubles qui bougent d’eux-mêmes, des membres de la famille qui se suicident, et j’en passe. Orchestré par qui ? Damien a une idée : le fantôme de Lili-Catherine qui se veut être son alliée rôde dans les parages. Les conséquences sont malheureusement tout autre que celles espérées, mais il est le seul à pouvoir rattraper son erreur !
Un deuxième élément qui m’a particulièrement plu est propre au style de l’auteure. De fait, les moyens du texte mis en place par l’écrivaine rendent compte de la peur grandissante des personnages tout au long du roman. Ainsi, les phrases volontairement étriquées - parfois interrompues - induisent un effet saccadé qui d’une part amènent une partie du suspense, d’autre part témoignent de la consternation du protagoniste ainsi que, dans le cadre des discours directs, des autres personnages.
Enfin, pour ma part, et celle de probablement tous les lecteurs de ce roman, filles comme garçons, je me suis d’emblée plongé dans l’intrigue haletante vécue par ce garçon qui ne demandait rien, qui se retrouve au mauvais endroit, au mauvais moment. Son caractère courageux et intelligent fait de lui un enfant modèle. De là, et vous l’avez déjà compris, il est davantage facile de s’identifier à un personnage bon et fort psychologiquement qu’à un personnage simple d’esprit et empreint de lâcheté. Ce processus d’identification facile au personnage rend l’histoire plus prenante encore, et évade le lecteur, jeune ou âgé.
En conclusion, Derrière la porte combine avec dextérité la peur, le suspense, l’énigme, l’identification au protagoniste, et s’avère être un livre à mettre dans les mains des adolescents les moins froussards !
Corpus de base :
MOKA, Derrière la porte, L’école des Loisirs, coll. "Medium", Paris, 1997, 179 pages.
Note personnelle : 4 / 5