Farmer nous propose, en guise d'aide à la lecture, une liste des personnages ainsi qu'un arbre généalogique des membres de la famille Alacrán. J'ai jugé ces aides non indispensables en vue d'une compréhension claire du récit. Encore une fois, n'oublions pas qu'elle s'adresse à des jeunes et que dès lors ces outils voient leur utilité plus que fondée. J'aurais par exemple imaginé améliorer l'arbre généalogique en y ajoutant la fonction et l'âge de chaque intervenant afin d'accroître son utilité.
Ce roman d'anticipation est répertorié dans la catégorie "jeunesse". Néanmoins, il pourrait être diffusé parmi un plus large public car l'histoire est plus "mature" qu'elle n'en a l'air. Durant ma lecture, je me suis même posé la question de connaître les motifs des éditeurs dans leur choix. Car même si notre héros, Matt, mais aussi bien d'autres personnages sont des enfants, je ne vois pas en quoi ce facteur justifierait à lui seul le public cible. Pour ma part, je considère que ce roman pourrait être proposé à des personnes plus âgées car il aborde nombre de problématiques complexes qui, pour presque toutes, pourraient déboucher sur des réflexions philosophiques (voir mon article sur les différentes problématiques). Le seul motif justifiant cette classification serait, à mon goût, un manque de précisions sur le contexte de l'histoire, ce qui sied donc plus au jeune public. Mais seulement, l'inconvénient est que la longueur de l'ouvrage (environ quatre cents pages) déconcerterait plus d'un adolescent. Il me semble donc que cette lecture devrait être proposé à partir de la quatrième année du secondaire.
Lauréat de l'US National Book Award en 2002, La maison du scorpion est un récit de fiction et d'anticipation écrit par Nancy Farmer, une auteure américaine qui dédie ses romans à la jeunesse. Résumé apéritif El Patròn a cent quarante ans et il est l’homme le plus puissant du monde. Il règne sans partage, depuis son luxueux palais décoré de son emblème, le scorpion, sur Opium, ce nouveau pays créé au xxie siècle, entre le Mexique et les États-Unis, entièrement dédié à la culture du pavot et à l’enrichissement des trafiquants de drogue. Quand il mourra, il emportera dans sa tombe ses richesses mais aussi ses serviteurs, sa maisonnée, comme les pharaons et les anciens rois chaldéens. Mais, pour l’heure, El Patròn n’a pas l’intention de mourir. Il veut vivre neuf vies, comme les chats et les démons. C’est à cela que servent les clones, des réservoirs d’organes jeunes et sains, des presque humains que l’on décérèbre à la naissance. El Patròn est si orgueilleux qu’il a exigé que Mattéo, son clone, fasse exception à la règle et grandisse avec son cerveau. Le problème, c’est que, quand on a un cerveau, on s’en sert. Je commence à enchaîner nombre de romans de science-fiction, non sans me rendre compte de l'intérêt de ceux-ci. Je n'ai jamais été fanatique de science-fiction, mais au fil de mes lectures je retrouve un point commun qui rejoint chaque récit d'anticipation et qui apporte un fond sérieux à ce que j'estimais injustement n'être que de vagues suppositions aléatoires sans but de réflexion. Au contraire, un message est toujours à la clé et son auteur le dissémine dans son oeuvre grâce au contexte futuriste qui lui permet alors de donner un souffle de réel à l'histoire. Farmer nous plonge dans une narration palpitante qui tourne autour d'un personnage principal : Matt. L'auteur a recours à une narration externe non-omnisciente qui resserre la distance entre lecteur et héros. Je m'entretiendrai plus tard avec ce choix qui possède malheureusement certains côtés négatifs.
Si l'on avait à ressortir des messages de ce roman, centraux ou accessoires, les voici, au hasard :
Mon avis : Dès le début de l'histoire, le lecteur compatit presque avec Matt, ce petit garçon qui ne connait que très peu de choses à la vie et que l'on oblige à s'inférioriser par rapport aux autres. Il est le clone d'El Patròn (un baron de la drogue de 143 ans) et au fil des péripéties, l'espoir de vivre pour Matt s'atténue devant les doutes grandissants quant aux dons d'organes auxquels on le destine. L'histoire est enivrante. L'auteure nous tient souvent en haleine grâce au sentiment d'injustice et d'impuissance envers Matt qu'elle crée si bien. Le lecteur se veut actif. Il voudrait être présent pour aider ce gamin que la vie n'épargne pas. Dès les premières pages, lorsque Matt est considéré comme un moins que rien que l'on enfermera plusieurs mois dans une cage, je me suis insurgé pour finalement relativiser et me dire que ce n'était qu'une histoire. Cette histoire est vivante, certes, mais ne possède malheureusement pas suffisamment de profondeur lors des déductions de l'auteure. Car c'est bien ça le problème : hormis les pensées de Matt et le décor, l'auteure n'ajoute que peu de choses. J'aurais aimé moins me sentir dans la peau de Matt, me décentrer de ce héros, bien que très gai à suivre, afin de découvrir plus de narration, plus de descriptions sur le fonctionnement du monde futur dans lequel il vit. Vivre l'histoire dans la tête d'un personnage est plus adapté au public jeunesse mais pour l'adulte que je suis, j'aurais souhaité retrouver plus de précisions sur le contexte. De plus, c'est sur une fin bâclée que je me suis retrouvé. L'auteure traînassait parfois durant le récit, par exemple lorsque Matt quitte Opium (l'endroit où il a toujours vécu). En revanche, à partir du moment où Matt rend visite à Chacho à l'hôpital, les péripéties s'enchaînent et débouchent très rapidement vers une conclusion dont on sent l'empressement de l'écrivaine. Tout cela pour en arriver à ces quelques minces pages où tout se finit bien, c'est un peu décevant. Ensuite, en ce qui concerne le fond des personnages, je retrouve un héros complet, à l'esprit ouvert, en questionnement perpétuel, hésitant (ce qui est parfois frustrant), curieux, innocent et amoureux du monde. Un héros parfait, en somme. En revanche, les autres personnages manquent de nuances. Je n'ai en effet découvert que des personnages au caractère joué d'avance : gentil (adjuvant) ou méchant (opposant). Ainsi, Maria est gentille bien qu'elle restât hésitante par rapport à Matt au début de l'histoire ; Tam Lin est gentil tout au long de l'histoire même si Matt s'est fait de mauvaises idées (dont on savait pertinemment bien qu'elles étaient infondées) sur son compte ; les gardes de l'orphelinat sont méchants du début à la fin ; Tom reste ignoble du début à la fin, sans nuances ; et j'en passe ! Mais n'oublions pas que ce récit s'adresse initialement aux adolescents et qu'une complexité accrue des caractères propres aux personnages ne leur faciliterait pas la tâche. En fin de compte, ce roman comporte en certains endroits des déceptions mais comment blâmer cette écrivaine ? Son travail est magnifique, et je me suis davantage chargé de traquer certains points où régnait un semblant d'imperfection dans une oeuvre à l'apparence parfaite. Je recommande vivement cette lecture ! Corpus de base : FARMER (N.), La Maison du Scorpion, L'école des loisirs, Paris, 2002. Note personnelle : 4 / 5 |