"D'Ormesson a ce rare talent de divulguer de sa plume des mots d'une puissance insoupçonnée, d'une beauté à faire émerger des larmes, le tout au milieu de mots las et pompeux. Ces mots, occultés, convenablement planqués, nous surprennent et nous assaillent silencieusement. Ils trottent ensuite et nous hantent."
Réaction personnelle suite à cette bande d'assassins :
"L'avenir de l'avenir est le passé."
Il s'agit de la première oeuvre de Jean D'Ormesson qui effleura mes mains. L'on entend beaucoup parler de lui dans la presse par les critiques qui, en général, jouent à "tout ou rien". On lui reproche entre autres de sortir un énième livre afin d'engranger de l'argent supplémentaire. Néanmoins, mon avis quant à cette lecture quelque peu déroutante reste mitigé.
En un mot : nostalgique. L'on rêve tous de se faire conter les histoires de notre grand-père : son éducation, ses amours, ses croyances, la guerre, ses enfants, bref la vie d'antan. Quand il a vécu des situations incroyables et qu'en plus il nous les fond dans une beauté aguichante, on mange le tout sans broncher. Au détour de chaque page, je n'ai cessé de m'étonner : "Waaw, quelle vie tout de même !". Si j'avais à vous conseiller cette lecture, je vous dirais très probablement qu'une multitude de phrases pourraient être sorties de leur contexte et constituer de vertueuses pensées, dignes de grands philosophes !
Bon sang, qu'est-ce que D'Ormesson me fait penser à mon ancien professeur de littérature ! Le vent en poupe, l'air hautain mais surtout fervent passionné de chefs-d'oeuvre littéraires, il aura su m'inculquer le goût du prestige d'un livre. Jean D'Ormesson, lorsqu'il galope - malgré son âge avancé - dans les dédales classiques des couloirs littéraires, me laisse percevoir de nouveau tout le prestige des oeuvres intemporelles qu'il aura placées au rang élevé de modèles et qu'il espère un jour peut-être égaler - ce que j'en doute. Ce gouffre de savoirs n'aura décidément pas tout volé à son talent.
En revanche, au fil des pages, je me suis rapidement rendu compte du nombrilisme de l'auteur. Tout tourne autour de lui et peu de choses, somme toute, font allusion au reste du monde. Le lecteur hume la peur de l'écrivain tout au long de son récit et vit cette angoissante marche vers l'ailleurs. Jean D'Ormesson écrit comme s'il était au seuil de la fin de cette vie - vous remarquerez l'euphémisme - et cela dérange, je pense, son lecteur. Aurait-il écrit ces quelque 250 pages dans le but de se donner bonne conscience ? Aurait-il fait l'éloge de Dieu dans le but de réserver sa place au Paradis ? "Prière à Dieu" - ainsi intitula-t-il son dernier paragraphe - illustre bien mes soupçons. De plus, c'est à un Jean D'Ormesson parfois verbeux que l'on a affaire. Entre des constructions maniérées, des structures épatantes - en atteste le pompeux titre - et des étalages de connaissances encyclopédiques, D'Ormesson snoberait-il le lecteur ?
L'auteur mêle des récits de provenances différentes dans un même ouvrage. Tantôt des réminiscences quant à sa tendre jeunesse, tantôt de la philosophie sur le temps, l'argent, le travail, la beauté, etc. Il va et vient telles des bribes de pensées, comme s'il n'avait rien à dire et qu'il comprenait qu'il ne servait plus à rien de dissimuler son manque d'originalité après des dizaines d'oeuvres qui pour certaines faisaient écho à d'autres. Si déception devait-il exister une fois la lecture de ce livre au titre paradoxal terminée, ce serait bien celle-ci.
En définitive, il semble bien que l'on ait affaire ici à l'un des derniers ouvrages de D'Ormesson qui, contrairement à ce qu'il prétend, nous prouve qu'il en a presque tout dit. Je possède ici la chance de n'avoir jamais lu d'autres de ces écrits auparavant, sans quoi j'aurais assurément été davantage déçu par cette fresque de sa vie qui depuis quelques jours défile entre mes mains.
Corpus de base :
D'ORMESSON (J.), Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit, Robert Laffont, 264 p.
Note personnelle : 4 / 5